NLF3 (Paris, Prohibited Records)
Des rythmes qui semblent s’élever par un tourbillon d’air, des réverbérations qui durent et hantent longtemps à la façon de fantômes joyeux, des mélodies subreptices qui flottent dans votre esprit, des airs venus d’endroits très différents, égrenés depuis tous les recoins de la planète. Le nouvel album de NLF3 poursuit, en l’affinant, l’histoire de ce groupe français. Une histoire qui débute par une résurrection. Après la fin en 1999 de Prohibition, leur premier groupe, les frères Laureau se sont tournés vers une musique dont la veine prenait un chemin plus désarticulé et libre, tout en étant issue des mêmes racines que leur groupe précédent. À savoir : une musique née dans une idée du rock mais aux cadres plus souples et aériens, ouverts à tous les possibles, incluant une pluralité des horizons. Leur musique, sous le nom de NLF3, se devait dès le départ d’être ouverte vers d’autres formes et esthétiques, capable d’intégrer une diversité de sonorités, survenant selon l’évolution même de leurs goûts, de leurs désirs. Il y a 20 ans, donc, naissait NLF3 dont les premiers enregistrements témoignent à la fois d’une époque et d’une singularité. Puisant dans le contemporain, les premiers disques sous ce nom cherchaient quelque chose au milieu d’une rivière, dont les bords étaient d’un côté l’abstraction pure et de l’autre l’hypnose du rythme. La musique qu’ils enregistrèrent pour le film Que Viva Mexico trouvait le juste point entre ces tendances, créant une matière sonore riche et entêtante. Faisant cela, ils n’ont jamais cédé non plus aux sirènes, continuant à construire leur musique de façon indépendante, mais aussi à la façon d’un creuset capable de mêler les choses les plus lointaines. La force de leur rythmique ? De leur fraternité ? Dans leurs compositions, quelque chose d’entraînant fait effet de centrifuge et d’hypnose, intégrant les divers possibles. En 2024, comment regardent-ils l’époque, comment les regarde-t-elle aussi? Dans leur nouvel album « O Days » ils explorent des façons neuves et des manières réinventées. Entamé durant les confinements de l’année 2020, l’album a d’abord été une suite de fichiers échangés, bricolés à la maison, chacun chez soi. Sur ces démos, on entendait des bruits domestiques, des rythmes enregistrés au gré de la domotique disponible. Ces sons sont-ils restés sur l’album final ? Oui, dans la matière même des morceaux qui vivent à la façon d’univers emplis de sons et de chemins. Les uns avec les autres, ils forment une cosmogonie pulsante, mais aussi, par la force de sa répétition, presque méditative. Les amateurs des Allemands Can ou de quelques brésiliens comme Os Mutantes reconnaîtront là une familiarité revenue vers le vivant, dénuée de nostalgie, habitée par une soif d’être au monde, et s’inscrire de plain-pied dans la matrice même du réel, qui fait rêver et danser en même temps.
Joseph Ghosn.
https://nlf3.bandcamp.com/album/o-days

+ Guest :

SATHÖNAY solo (Lyon, Carton Records)
Nico Poisson est un activiste de la musique bien connu de ceux qui fréquentent les lieux obscurs où le rock lyonnais vit encore dans une indépendance farouche. Membre du collectif Grrrnd Zero depuis ses débuts (jusqu’à son futur incertain…), et co-fondateur du label SK Records, guitariste du groupe Ned, et de Total Eclipse. Mais parlons ici de Sathönay, groupe à géométrie variable qu’il porte depuis plusieurs années. Projet solo, Sathönay se décline aussi volontiers en formule trio, quatuor.C'est un projet qui s’est créé autour d’un instrument : le saz. Luth d’origine turque, il est le point de départ de sa musique. Mais Nico Poisson l’emmène sur des territoires (surtout dans la formation loud band) qui rappellent plus l’âge d’or du rock psychédélique turc, ou le krautrock allemand, que la musique traditionnelle dont il est habituellement l’instrument privilégié.
https://sathonay.bandcamp.com/