Le séminaire annuel de la Maison de la Veille Sociale consacrera cette matinée ouverte à tous à l'analyse des données de son Observatoire social et les évolutions de l'année 2018, puis à une table ronde, animée par Joël CADIERE sur le thème : Equité de traitement et urgence sociale : l’impossible mission des SIAO ?

Argument : La loi ALUR confirme la mission du SIAO de « traiter équitablement [les] demandes et de […] faire des propositions d'orientation adaptées [au] besoin ». La circulaire de novembre 2015 qui instruit la mise en place des SIAO unique reformule la mission dans ces termes : « assurer l’orientation des personnes après une évaluation sociale et en fonction de leur situation de détresse ». La loi DALO, bien antérieure, impose une priorité d’orientation individuelle censée rétablir une équité de traitement sans considération de l’ensemble de la demande, de la détresse, du contexte. Les 115, préexistants à tous ces textes de loi, ont traversé cette période en conservant leur dilemme intrinsèque d’apporter une réponse sur un simple appel mais sans pouvoir satisfaire tous les besoins et, dès lors, d’opérer quotidiennement des choix au pied levé. Les SIAO, instrument d’une refondation voulue pas tous, interviennent en contrepoint des 115 pour asseoir posément des réponses adaptées à des besoins soigneusement évalués. Dans la construction initiale de ses modes d’action, le SIAO du Rhône a posé naturellement l’ancienneté comme seul critère d’ordre de traitement des demandes en matière d’orientation sur les places disponibles… à l’exception du DALO. Rapidement confronté au paradoxe de l’hébergement d’urgence censé répondre sans délai, le SIAO du Rhône a posé un principe de priorisation des demandes de certains ménages présentant des caractères de plus grande vulnérabilité que d’autres, établissant ainsi un traitement à l’ancienneté à 2 vitesses pour cette partie du dispositif. Pour autant la Maison de la Veille Sociale, comme bien d’autres SIAO, reste confrontée en permanence à l’insupportable absence de réponse immédiate à toutes les situations d’urgence sociale des nombreuses personnes à la rue ou dans des situations de grande précarité en matière d’habitat. Chaque jour les nouvelles urgences chassent celles de la veille et chaque jour le fait de devoir prendre son rang dans la longue file d’attente est dénoncé par les intéressés, les professionnels qui les accompagnent et les soutiens citoyens qui leur viennent en aide. Aujourd’hui, la politique du logement d’abord aborde la gestion de la demande plutôt sous l’aspect de la prévention de difficultés de parcours ou problématiques spécifiques, la question du traitement curatif d’une détresse ou d’une longue attente ne fait pas critère dans ce nouveau paradigme. Comment reconstruire au milieu de toutes ces injonctions paradoxales des principes transparents d’action du SIAO, quel traitement équitable de la demande peut-on concevoir afin d’accorder toutes ces tensions entre demande et offre. Les principes de cotation de priorités qui s’institutionnalisent dans le dispositif d’attribution du logement social sont-ils une perspective éthiquement possible pour les SIAO ?

Nous aborderons ces questions de fond à travers les restitutions des travaux de recherche sociologique de 2 professionnelles, menés en lien avec la Maison de la Veille Sociale : - « Dans le Huis clos du 115 » mémoire DHEPS d’Elisa HERBAGE, coordinatrice de la MVS. Elisa a mené une approche compréhensive du rôle des professionnels écoutants de plusieurs 115 pour en dégager à la fois la variabilité des postures et pratiques mais aussi les références et sens communs. - « Quand l’expertise de la vulnérabilité ne va pas de soi » mémoire Master IDS / ANACIS de Marie VIVIER, stagiaire à la MVS. Marie a réalisé une ethnographie du processus de priorisation de la Maison de la Veille Sociale au sein de sa commission Hébergement d’urgence pour décrypter les processus à l’œuvre et surtout comprendre comment cette instance parvenait à prendre et tenir sa place dans une organisation complexe. Et l’intervention de Joël CADIERE, sociologue, qui apportera son point de vue tout à fait extérieur à ces dispositifs qui institutionnalisent le traitement du sans abrisme…voire du mal-logement.